vendredi 18 décembre 2009

A l'Est, du nouveau

Long time no see... C'est qu'il se passe pleins de choses à Sofia ces derniers temps. Et en prévision des Dalibot en Bulgarie et des vacances de Noël, ça ne risque pas de s'arrêter, alors avant que les événements de ces dernières semaines ne rétrecissent en peau de chagrin dans ma mémoire, voici quelques nouvelles.

Depuis la semaine à Burgas, je suis restée à Sofia. On a accueilli pas mal de monde, des volontaires, des Couchsurfers, des amis...

Quentin, volontaire belge à Haskovo, et Sergi, volontaire géorgien à Lovech, sont rentrés après leur Service Volontaire Européen (SVE). Sergi était devenu un vraiment bon copain, il était souvent chez nous à Sofia.


Sergi

Je lui l'ai promis, un peu de pub pour la Géorgie, un pays qui nous fait face, de l'autre côté de la mer Noire. Sergi était guide touristique avant son départ en SVE, donc très bien placé pour nous raconter des tas de choses ! Son pays, qu'on ne connaît généralement qu'à cause du conflit récent avec la Russie, est -comme beaucoup d'autres- trop peu connu vers chez nous. Pourtant, les paysages sont magnifiques et très variés. On a aussi eu un petit aperçu des singularités georgiennes, comme le fait que "mama" veuille dire "papa", ou qu'un petit coup sur la gorge marque l'insistance et signifie "s'il vous plaît". Contrairement aux idées vagues -et fausses- qu'on se fait de la Géorgie, ce n'est pas dangereux d'y aller ! Et le pays se développe surtout grâce au tourisme, alors foncez, et arrivés à Tbilissi, cherchez Sergi !

Début décembre, un bon nombre de volontaires européens en Bulgarie étaient regroupés pour les formations obligatoires pour tout SVE. Il y en a quatre, une avant le départ -que j'ai faite à Grenoble avec une super équipe, une à l'arrivée dans le pays d'accueil -dans le superbe hôtel de luxe Pirin à Sandanski, une au milieu du séjour -ici à Sofia, et une autre au retour dans le pays d'où l'on vient. Cette formation n'avait rien à voir avec celle à Sandanski, où nous étions une grosse vingtaine, Amelie et moi étant les seules volontaires long-terme du groupe. Là, nous étions seulement six... donc nous quatre de la colloc et du Balkan Youth Festival !


Moi, Magret, Amelie, Kevin, Fred et Rebekka

Ce qui dans un sens n'était peut-être pas plus mal, car ça nous a permis de plus nous exprimer, et car je dois dire qu'Amelie m'est plus étrangère que la plupart des volontaires qu'on cotoie !


Corrado, Rebekka, Sergi


Fred et Amelie

Il y avait d'autres formations au même moment dans l'hôtel (on-arrival, pre-departure, final evaluation), donc on a aussi rencontré pas mal de nouvelles personnes. Dans une ambiance particulièrement "interculturelle", car plusieurs volontaires ne parlaient pas du tout anglais.


Faruk, de Turquie, Natalia et Darina, de Bulgarie


Danse tchèque



L'ambiance aussi était différente, car nous sommes tous là depuis quelques mois déjà et que notre regard sur la Bulgarie et le SVE a changé. L'heure d'un bilan, bien qu'en réalité nous étions tous à des stades différents de l'expérience : Fred, par exemple, partait quelques semaines plus tard, alors que Rebekka n'a fait qu'un quart de l'année qu'elle va passer ici. Ce n'est pas tant que l'enthousiasme du début serait éteint, mais on a peut-être une vision plus vraie du pays, les yeux ouverts sur ses problèmes. Pour moi, c'est vraiment une sensation que j'ai retrouvée dans beaucoup de situations ces jours-ci : le temps des découvertes des premiers mois est passé et maintenant que je suis intégrée et plus consciente d'où je suis, il est temps de s'engager et d'agir.


Un des exercices était de décrire nos sentiments en Bulgarie en pâte à modeler... Vu mes talents de sculptrice, le choix était limité. Je suis "installée".


Sveto

D'abord, j'ai trouvé ces discussions qu'on a eues ensemble et avec notre formateur, Sveto, assez décourageantes. On partage le même sentiment d'impuissance face à des problèmes profonds ici, comme la corruption, l'homophobie, la léthargie de l'administration, l'individualisme, le nationalisme extrême (voire néo-nazi), l'interprétation de l'histoire qui pose tant de problèmes dans les Balkans (pour la Bulgarie, en particulier avec la Turquie et avec la Macédoine). La question de l'histoire est aussi problématique ici pour l'époque d'Alexandre Le Grand (de Macédoine ? de Grèce ?) ou de l'empire ottoman (un sujet récurrent) que l'histoire plus récente du communisme, dont on ne discute peu ou pas. Un film sur cette période où les gens n'étaient égaux et frères que sur le papier et dans les discours : "Margarit et Margarita" (Маргарит и Маргарита).

Mais en y pensant et en discutant, finalement, ces discussions étaient aussi pleines d'espoir, car il y a des gens qui veulent changer le système et les mentalités. Même quand on se sent impuissants, on n'en a peut-être pas conscience mais on agit. Montrer qu'on n'approuve pas des remarques homophobes par exemple peut au bout d'un moment provoquer des réflexions. Peut-être que j'ai de la chance de connaître les gens que je connais ici et peut-être qu'ils ne sont pas représentatifs du pays, mais ceux qui se bougent ont une telle énergie et volonté d'agir qu'ils sont des modèles pour moi. Par exemple, Tsvety, qui me donne l'impression d'avoir mille vies vu le nombre de projets dans lesquels elle s'engage et qui pourtant s'en veut de ne pas pouvoir en faire plus.


Tsvety et son petit garçon adoptif. Tous les jours, il s'entraîne à souffler des bougies.

L'idée de devenir volontaire pour un orphelinat me travaillait depuis un moment. Le film "Bulgaria's abandoned children" (un film à voir, qui m'a marquée -tout ça s'est seulement passé il y a deux ans- mais âmes sensibles s'abstenir !) et les discussions avec Tsvety ont achever de me convaincre. Grâce à Hanna, une journaliste polonaise de CaféBabel qu'on a accueillie (on s'est rendu compte après qu'on avait des amis communs, car elle faisait son M1 à Sciences Po Paris l'année dernière. Un tout petit monde décidément), j'ai rencontré une association, Step for Bulgaria, qui travaille avec différents orphelinats en Bulgarie pour aider les enfants à s'intégrer, à s'orienter et à trouver du travail. Je ne sais pas encore bien ce qu'on va faire, peut-être des cours de français ou de la photo, ça dépendra surtout d'eux. Je les ai rencontrés plusieurs fois et ils ont l'air très gentils et motivés. Suite à la rentrée.




A l'orphelinat

L'hiver est vraiment arrivé à Sofia, après quelques semaines trompeuses de soleil et de températures encore supportables. De la neige partout !




La neige, pas forcément une bonne nouvelle pour tout le monde

Un grand moment de ces dernières semaines : le concert de Theodossii Spassov, un grand joueur de kaval bulgare (le plus grand disent certains). Tellement de monde que des chaises ont été ajoutées sur scène, entre l'orchestre et les solistes... et je me suis retrouvée au premier rang sous les feux des projecteurs, à un mètre de Spassov ! Ca vaut le coup parfois d'arriver dans les derniers !

Dans trois jours seulement, ma famille arrive ici et Fred part : un jour heureux et malheureux. Les prochains volontaires arriveront début février pour Jonathan (d'Espagne) et début mars, quand Kevin partira, pour Fender (d'Ecosse).

2 commentaires:

  1. Salut Elena,
    je viens de voir ton blog et de ce que j'ai lu pour le moment il y a deux choses en particulier qui m'ont marqué. C'est la phrase "l'individualisme, le nationalisme extrême (voire néo-nazi)". Je ne sais pas quel genre de Bulgares tu connais, mais par rapport aux 80% des Français, je ne pense pas que les Bulgares s'avèrent individualistes. Je le dis car je fais mes études à Paris, où l'on s'en fout des autres, où chacun son truc dans sa petite vie et puis "laisse-moi tranquille". Ici on aime bien dire "Oui, mais les Parisiens, c'est assez particulier". Et bah non, parce qu'il n'y a pas que des Parisiens à Paris, et peu importe qui est en face de toi, c'est toujours la même chose.
    Le deuxième truc, ce que mes amis Français n'ont jamais compris et ne comprendraient peut-être jamais, c'est que les Bulgares sont PATRIOTES et non pas NATIONALISTES! Contrairement à vous encore ("je suis Français mais je m'en fous", "alors la France j'en ai rien à foutre") nous avons le pays dans le coeur, même si on se plaint qu'il y a plein de choses qui ne vont pas, la Patrie ça se respecte! Il y a donc une grande différence entre patriotisme et nationalisme, et à chaque fois je me vois obligé de l'expliquer dans ton pays, car les gens me comprennent mal.
    Ca fait combien de temps que tu es en Bulgarie? Est-ce que la France te manque? Si "oui", est-ce que c'est vraiment le pays qui te manque, avec tout ses trucs culturels et relationnels, ou c'est surtout ta famille? Discutes-en avec tes amis bulgares qui sont déjà partis quelque part dans le monde et comparez.
    D'une part ça me fait mal de voir des choses comme ça sur la Bulgarie, d'autre part je te comprends très bien, c'est "le choc culturel", c'est quelque chose de bien en fin de compte. Tu n'as pas tort, mais ton avis est assez extrême.
    Je te souhaite un bon séjour en Bulgarie.

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  2. Salut Mario,

    Est-ce que tu es Mario de Plovdiv ou quelqu'un d'autre ?

    D'abord, je suis vraiment très désolée si je t'ai blessé. Je voudrais juste préciser ce que je voulais écrire. J'aime beaucoup la Bulgarie et je suis très loin de penser que tous les bulgares sont nationalistes, très loin. Je ne suis pas sûre que le mot "choc culturel" soit approprié, mais c'est vrai qu'on découvre les choses ici forcément avec un regard marqué par toutes nos expériences dans le pays d'où l'on vient. Et par exemple, j'ai l'impression que l'extrême droite est plus visible ici qu'en France, les symboles nazis plus nombreux. Après, ce n'est peut-être qu'en surface et peut-être qu'en France c'est simplement plus caché. Mais je ne parle que d'une minorité de gens. Je n'ai peut-être pas assez insisté, mais j'ai rencontré aussi ici des gens incroyables, engagés, des modèles.

    Je comprends aussi ce que tu veux dire sur le patriotisme et j'espère ne pas faire l'amalgame avec le nationalisme. C'est une belle chose que les gens ici aiment faire découvrir leur pays, parler de ses beautés.

    Par rapport à l'individualisme, c'est aussi un point qui n'est pas si tranché que ça. D'abord, je suis tout à fait d'accord avec ce que tu dis sur la France et en particulier sur Paris. L'individualisme est plus fort là-bas qu'ici. J'ai notamment été accueillie avec beaucoup de générosité par beaucoup de Bulgares. Je sais aussi que l'ambiance à Sofia est assez différente de celle dans d'autres villes, où les gens se parlent et s'aident plus. En fait, je pensais seulement à quelques discussions avec des Bulgares. Un exemple sera plus clair : un jeune me disait par exemple que ça lui était égal que son voisin soit de telle ou telle religion ou origine, ce que je trouvais d'abord très tolérant. Puis il a continuer en expliquant que son voisin pouvait d'ailleurs mourir à sa porte, ça n'était pas son problème. Quelques autres conversations (mais peut-être que je suis par malchance seulement tombées sur ces gens) ont confirmé cette impression. Certaines personns que j'ai rencontrées ici -mais certainement pas toutes- ne se sentent pas impliquées dans une communauté. J'essaie de dire seulement quelque chose que je vois et surtout pas de juger. Il y a beaucoup d'éléments qui peuvent expliquer que les gens n'aient pas confiance dans l'esprit de communauté (notamment la corruption et les problèmes de l'époque communiste).

    Enfin pour répondre à tes dernières questions, je suis arrivée en Bulgarie il y a cinq mois. La France ne me manque pas du tout. Je me sens bien ici.

    Encore une fois, je suis désolée si je donne parfois une image fausse ou limitée de ce que je vis ici. J'écris aussi plus des choses que je ressens ou crois voir, mais j'ai conscience que mon expérience est limitée et que je peux me tromper. Je te suis reconnaissante, Mario, de tes réactions. Toute autre réaction, de toi ou d'autre, est d'ailleurs toujours la bienvenue. Cet article était plus négatif que d'autres car je voulais parler un peu des problèmes et ne pas montrer qu'une image toute rose de cette expérience ici. Mais le bilan jusqu'ici est tout à fait positif et j'aime beaucoup le pays, les gens, la culture bulgare.

    Bon séjour à toi aussi à Paris,
    Eléna

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