mardi 17 novembre 2009

Au pays des Srb

Balkans-Transit : j'aimerais en effet que cette année ne soit pas seulement bulgare, mais aussi turque, serbe, macédonienne, grecque, roumaine... et pourquoi pas plus ? (Le Liban, la Géorgie ?)
A cela s'ajoute le fait que pendant le Balkan Youth Festival, qui porte bien son nom, on a rencontré pleins de gens des Balkans que j'ai vraiment envie de revoir. Dont Daca (ça se prononce [Datsa], comme on dit [Koustouritsa] pour le réalisateur Kusturica) de Serbie, qui était volontaire court-terme un mois.


Les inséparables Daca et Gizem : qui a dit que les relations serbo-turques se portaient mal ?

Départ vendredi 30 octobre, sur le même quai que celui où, il y a un mois, Kiril et moi disions au revoir au groupe de volontaires serbes (Daca, Vladica, Milos et Milos), les derniers du groupe à quitter Sofia, la fin officielle de ce mois passé tous ensemble. Sauf que cette fois, je suis dans le train pour la Serbie ! Rien n'est prévu, sauf de retrouver Daca. On verra ensuite sur place. Je ne connais quasiment rien du pays, simplement un peu son histoire récente après la Yougoslavie, et encore : tout à apprendre donc.

L'arrivée est semée de malentendus : d'abord, j'avais cru arriver à 4h50. Mon réveil sonne, le train s'arrête, mais la gare ne ressemble vraiment pas au Belgrade que je m'étais imaginé... On dirait un village... Suivant la règle la plus sûre des voyages à l'étranger, c'est-à-dire descendre du train quand la plupart des gens descendre et pour une fois assumer de ne pas réfléchir tout seul et de faire le mouton, j'attends. Heureusement, car on n'arrive au terminus que deux heures plus tard ! J'espère une chose, c'est que Daca n'a pas passé ces deux heures à attendre à la gare, dans le froid et la nuit. Mais non, elle n'est pas là. Dans un serbo-bulgare très approximatif (les deux langues sont très proches), j'achète une carte de téléphone (évidemment je n'ai pas de crédit, ce serait moins l'aventure sinon ^^) et vu que je ne connais pas le code pour la Serbie, j'essaie une bonne dizaine de versions différentes avant de tomber sur la voix endormie de Daca... qui m'attendait pour le lendemain ! Mais ça ne fait rien du tout tant qu'on se retrouve !

Samedi 31 octobre

La première découverte du voyage : "Belgrade" n'exite pas, je suis à "Beograd" ! Ensuite, les viennoiseries ! Un étalage immense, et quasiment rien de connu. Puis les yahourts, qui sont systématiquement vendus comme boissons. Daca est elle-même surprise d'apprendre qu'en France on les mange toujours avec une cuillère, et pas au pot comme ici. Découverte des dinars serbes aussi : je m'étais faite peu à peu aux levas, et tout d'un coup plus aucune notion de prix, des tas de billets de 100 et de 1 000 dans mon portefeuille, je me sens riche ! Le serbe est l'une des rares langues (quelle autre Klervi ?) qui utilise également deux alphabets, le cyrillique et le latin : les journaux peuvent être dans l'une ou l'autre des écritures, ça ne change rien pour les gens, d'après ce que les Serbes m'en disent. Bienvenue aux C (ts), Ð (dj), Ž (j), Ć (tch - ce n'est pas vraiment ça mais c'est le genre de sons que je n'ai jamais réussi à faire !), Č (tch), Š (ch)... Plus les signes cyrilliques qui n'existent pas en bulgare... Et le fait que pas mal de mots n'ont AUCUNE voyelle, comme "trg" (place) ou "grk" (grec), ou très peu, comme "Crbija" (Serbie) ou l'imprononçable "Vrjančka Banja" (une ville serbe).

Daca partage un appart avec ses deux meilleures amies Ana (qui ont les exacts mêmes noms et prénoms, les mêmes aussi que ceux de sa mère) et Tamara. Daca et les deux Ana ("wonderful Ana" et "Ana with dreads") commencent leur première année à la fac et ont quitté la petite Velika Plana (même si ça veut dire "grande plaine") pour la capitale.

Après m'avoir fait goûté à une spécialité serbe, le "sarma" (de la viande hâchée roulée dans des légumes), on part se ballader dans la ville, dans le parc Kalemegdan, au milieu des restes d'une forteresse construite sur cette colline surplombant la rencontre entre le Sava et le Danube.



La vue est très belle, un peu de brume, une lumière très douce de fin d'après-midi dès 14h... C'est vrai qu'il y a une heure de différence avec la Bulgarie -c'est-à-dire la même heure qu'en France- ce qui change beaucoup pour moi : la nuit tombe dès 16h30 !







Un banc du parc Kalemegdan




Le monument à la France est immense ! Mon arrière-grand-père a peut-être combattu les Bulgares avec des Serbes, pendant la Première Guerre Mondiale... Un siècle plus tard, l'amitié franco-serbe n'a pas pris une ride !

Dans la rue Knez Mihailova, la grande rue marchande de la ville, je suis marquée par la différence avec la Bulgarie. Belgrade est beaucoup plus belle que Sofia, il n'y a pas à hésiter. Beaucoup plus occidentalisée aussi, il y a des tas de magazins et beaucoup plus de choix qu'en Bulgarie, notamment dans les libraires. Les centres culturels (français, espagnol, allemand, de Belgrade) sont à l'honneur et la fac (Daca est en philo) à deux secondes de cette grande rue, qui relie l'agitation de la grande place de la République au calme du parc Kalemegdan au bord du Danube. Je m'y verrais bien...



On passe la soirée chez des amis de Daca, où je rencontre notamment Lazar, Maja, et Ivan, un rescapé miraculeux d'une chute de vingt mètres en escalade, qui s'en est tiré seulement avec quelques égratignures et un bon mal de dos ! Plus tard, dans un bar de Belgrade, quelques déguisements nous rappellent que c'est la soirée d'Halloween. Dès cette première soirée serbe, je commence à comprendre que mon guide sur la Serbie n'exagérait peut-être pas en parlant de la "sparkling nightlife" de Belgrade.

Dimanche 1e novembre

Novembre - quel choc, je suis arrivée en juillet, en plein été, et voilà novembre... En breton, "novembre", c'est "du", le même mot que pour "noir". Ca me donne l'impression que je suis arrivée il y a six mois déjà, alors qu'en fait ça n'en fait que quatre à peine.

Le temps qu'on se réveille comme un dimanche matin, on mange vers 16h, et notre déjeuner a des allures de dîner car la nuit tombe déjà. Après les spécialités serbes, à mon tour, avec un far breton (non, je ne sais toujours pas cuisiner grand chose de plus ^^). Ana ("wonderful" Ana) et Daca me font écouter tous leurs groupes préférés et me parlent beacoup de Ekatarina Velika, un groupe de rock serbe des années 1980-90 dont quasiment tous les membres sont morts très jeunes et qui a beaucoup chanté sur la décennie sombre des années 1990 pour la Serbie. L'un des musicien, Milan Mladenović, est enterré tout près. Un lieu de pélerinage pour les amateurs de bonne musique (ou qui écoutent autre chose que la musique "turbo-folk", l'équivalent de la "tchalga" en Bulgarie). Mais pas le temps d'y aller, on est déjà en retard au rendez-vous avec Ivan.

Il nous emmène Daca, Ana et moi dans un cave à vin très spéciale, un endroit bien caché et réservé au petit cercle d'élus qui le fréquentent : le bar est dans une grotte !




"Wonderful" Ana


Ivan



Lundi 2 novembre

Rendez-vous chez Lazar, en plein centre (sa fenêtre donne sur la rue Knez Mihaila).


La circulation serbe n'a pas à pâlir face à la circulation bulgare. Comme Kiril puis Daca disaient, "Bulgarian / Serbian drivers DO NOT like you, and you DO NOT like them, so walk like Indians..."




Le "mur de Belgrade" -en carton- en hommage à Berlin et au 9 novembre qui approche




Dans le vieux quartier bohémien "Skadarlija"


"Le Petit Piaf"


Djura Jakšić, poète et peintre


Montmartre à gauche, la lune en haut


Daca et Lazar


Alors que Putin is watching us...


... on s'infiltre dans les jardins botaniques


L'église St Sava, du saint le plus aimé ici, qui a une histoire digne d'un conte. Il était une fois le dernier des trois fils du roi d'un lointain pays, la Serbie, qui a renoncé au pouvoir et au confort pour consacrer sa vie au savoir et à l'enseignement. Un jour férié pour toutes les écoles !


(en dédicace à certains profiles Facebookeux qui seront reconnus ;))


Les bords du Danube



La "grotte à vin" est fermée ce soir... Direction un des ô-combien-nombreux-exemples d'une vraie institution en Serbie : le KAFANA ! Pas de traduction, m'explique-t-on. C'est un mélange entre un bar et une taverne, où on peut boire de tout pour pas cher, surtout de la rakija (l'eau-de-vie), manger différents types de viande, quelques plats typiques, en écoutant de la musique turbo-folk (par exemple Azis) ou en regardant à la télé des inconnus danser des danses traditionnelles sur un plateau, avec souvent quelque part sur un mur l'éternel calendrier des filles à moitié ou entièrement nues. En tout cas, un lieu qui rassemble, tout le monde y va sans distinctions sociales paraît-il...


Maja et Lazar



Daca et Lazar "undercut" (ça ne se voit pas là mais une partie de son crâne est rasée)


Roxy et ?

Dans le même genre pour pour les kafanas car pas de traduction non plus, on m'explique une autre particularité serbe qui ne manquera pas de déclencher des sourires de complicité, de communauté, chaque fois qu'on l'évoquera plus tard avec d'autres Serbes : l'"inat". Je n'ai sûrement pas compris toutes les subtilités du phénomène, alors désolée pour les simplifications que je fais sans doute. L'inat est un trait de caractère, pas forcément uniquement serbe, pas toujours chez tous les Serbes, mais -toujours d'après ce qu'on m'en dit- ça a quelque chose de serbe. C'est un mélange de provocation, d'entêtement, de taquinerie et parfois de méchanceté. Faire quelque chose seulement parce que c'est interdit. Ne pas passer le sel pour s'amuser de l'énervement de l'autre, même quand on ne reçoit aucun autre bénéfice. C'est surtout Daca qui m'en a parlé et elle n'aime pas cet inat, voudrait s'en débarasser, d'où cette description assez négative. L'aspect positif, c'est peut-être d'être un peu taquin, joueur, persévérant, résistant ? Pour le peu de temps que j'ai passé en Serbie, j'ai du mal à voir exactement de quoi il s'agit et si les gens sont vraiment plus comme ça qu'ailleurs. Est-ce vrai ? Si oui, comment ça se transmet ? Si non, d'où est-ce que ça vient ? Quoi qu'il en soit, ce qui est sûr, c'est que ça éveille quelque chose dans les représentations collectives... (Pour plus d'éclairage, voir ici - en anglais).

Mardi 3 novembre

Il neige ! Après les premières pluies bulgares (et l'histoire de la Coréenne perdue sous l'orage), voici les premières neiges serbes... dont je me souviendrai aussi !


La neige nous rajeunit de bien quinze ans

Aujourd'hui, je laisse Daca ne pas sécher la fac tous les jours pour aller voir une autre ville du pays. Malgré la longue liste de possibilités, les horaires de train nous désespèrent. Sauf si je veux partir à 1h du matin pour arriver à 4h,  changer trois fois de trains, ou partir d'une autre gare, pas moyen de partir en train. Ce sera en bus alors.

Par contre, mon expérience des gens derrière les guichets en Serbie est beaucoup plus positive qu'en Bulgarie, bien que je parle un peu bulgare et pas serbe. Daca m'a expliqué que les Serbes sont très serviables avec les étrangers ; pour elle, c'est plus une façon de mettre en valeur leur pays que pure philanthropie. En effet, ils ne sont pas si aimables entre eux et ça arrive souvent à Daca et ses amis de demander leur chemin ou d'autres informations en anglais car ils sont plus sûrs de la fiabilité des réponses ! Le plan est donc que ce sera moi qui demanderai les billets dans mon pseudo serbo-anglais, pendant que Daca fera semblant de ne pas me connaître... Et ça marche ! Direction Kragujevac.



Les paysages sont tout blanc. Au point que le car s'arrête tout d'un coup : on est bloqués à cause de la neige au moins une bonne heure. Bon, l'intérêt, c'est que ça aide à faire connaissance ! Je discute avec un Serbe de Kragujevac, Nemanja, qui m'explique ce que je pourrais y voir et, arrivés là-bas, me montre comment accéder au grand mémorial de la ville, Šumarice.


Le bâtiment, même de loin, est imposant. Il est à peine 17h, et il fait nuit noire...


Il commémore la mort de 3 000 civils, parmi lesquels beaucoup d'écoliers, tués par les Allemands en 1941. Leur Oradour-sur-Glane en quelque sorte...










Un peu plus tard, je retrouve Nemanja dans la fac dans laquelle il fait son service civil et on passe la fin de la journée ensemble.

Mercredi 4 novembre

Journée dans cette ville au nom que je préfère écrire que prononcer, Vrjančka Banja.

La neige fond au fur et à mesure que la journée avance dans l'après-midi et que le bus avance lui vers le Sud. Cette fois, pas de bus bloqué donc, pas de rencontre comme hier non plus, mais un voyage qui semble interminable.







Le dernier bus pour Belgrade part dans deux heures (pour une journée où j'aurais bien passé sept-huit heures dans les transports.....). Je me sens d'abord un peu perdue, je n'ai aucune carte de la ville et la guichetière de la gare ne parle que serbe. Le centre, c'est toujours une valeur sûre quand on ne sait pas où aller.

La ville est connue pour être la capitale des spas en Serbie. En tout cas, c'est la capitale des hôtels villas (dont la villa "AS" :-p). Je prends un peu d'eau chaude d'une des sources -je vais finir par pouvoir faire une collection des eaux du monde entier ^^. Il paraît qu'elle est très bonne pour la santé... c'est infect !




La source "Jezero"


Le Louvre fait des émules...


Les Serbes ont la même tradition que les Bulgares d'afficher leurs morts sur les arbres ou sur les murs.

Retour chez Daca, où en plus du frère de Tamara et de moi, les collocs ont la surprise de voir débarquer le frère du propriétaire, sa femme et sa fille ! Plus on est de fous...

Jeudi 5 novembre




Le mur de Belgrade n'a pas attendu l'anniversaire de celui de Berlin pour tomber - le vent l'a aidé aussi.

Daca et moi partons à Novi Sad aujourd'hui, dans la Vojvodina, une province autonome dans la république serbe. Un réveil à la gare nous empêche de continuer le voyage jusqu'à Vienne...



Goran, un copain de Daca, nous retrouve et nous promène dans la ville, encore plus belle que Belgrade.


 Sans bien savoir pourquoi, ça me rappelle un peu Bruxelles...




Encore là ! La même statue que dans la rue Skadarlija (Djura Jakšić)




Une plaque et cet espace de fleurs rappellent un événement pas si lointain, les bombardements de 1999 par l'OTAN. Les trois ponts reliant la ville au reste du pays ont été détruits, de nombreux civils tués. Le fait de rencontrer Goran, et tous les Serbes en général, donne une autre dimension à cette guerre : ça n'était pas qu'à la télé, il y avait des gens sous ces bombes, avec des vies, des rêves, des amis -tout comme nous là-bas en France. On a du mal à se rendre compte que c'était réel sans y être. Et je ne vois que les lieux et les personnes dix ans plus tard, sans doute que je n'ai encore aucune idée de ce que ça devait être. Dire qu'en plus d'avoir souffert de cette guerre, ils sont considérés dans le monde comme un peuple de meurtriers assoiffés de sang. C'est tellement plus simple de croire aux méchants et aux gentils, surtout quand l'Europe de l'Ouest et les Etats-Unis se donnent le rôle de sauveurs de l'humanité. A coups de bombes. Accompagnées d'un bon matraquage médiatique.


Petrovaradin, de l'autre côté du Danube

Sur le pont "Varadin Rainbow, reconstruit après les bombardements


"Le beau Danube bleu"...


... que je ne me lasse pas d'admirer.
Ca donne envie de finalement lire Danube de Claudio Magris, que j'avais eu la chance de découvrir et de rencontrer il y a un an à Paris.


Au bord du monde


Une horloge peut-être unique au monde : la petite aiguille indique les minutes et la grande les heures !








A la fac de Novi Sad

Goran veut nous faire voir quelque chose dans son village, Beočin, aux environs de Novi Sad : un manoir abandonné ! (musique)


Entrée par le parc - un zoo à l'époque du manoir. L'ambiance a quelque chose de fantastique.


Le manoir !


!


Il faut imaginer que le flash servait à nous éclairer, sinon on était dans le noir quasi total...


Vraisemblablement les salles de torture




Et là tout d'un coup : "EKV Mag !", du nom de Margita Stefanović, musicien du groupe Ekatarina Velika. Une légende urbaine dit que le premier graffiti de Belgrade était sur elle.



Pour nous remettre de ces émotions et chasser les démons, après un repas dans un kafana, Goran nous emmène au monastère de Beočin, l'un des très nombreux du parc Fruška Gora. L'ambiance est très spéciale, propre à la retraite spirituelle des moines : on n'entend que la rivière, l'air est frais.

Retour à Belgrade plein la tête et les jambes. Encore une fois, j'aurais manqué l'arrêt sans Daca, car au cri "Beograd", je me rendors, attendant "Sofia"...

Vendredi 6 novembre

Dernière journée à Belgrade. J'accompagne Daca et Ana à la fac pour un cours de philo bien obscur pour moi ! Daca est très déçue par la fac ici. Les profs viennent quand ils veulent, les livres à lire sont souvent non ou mal traduit en serbe ou encore plus édités... Finalement, le plus enrichissant c'est peut-être simplement les étudiants qui se rencontrent !




Et si on renommait Christophe Gile ?

Passage au centre culturel bulgare, une libraire/café/gallerie de photo/centre d'expo, où je tombe par hasard sur un panneau sur la Ferme du Bonheur à Nanterre ! Le monde est drôlement petit...


 A la Ferme du Bonheur de Nanterre


A la recherche d'Ivo Andrić, l'un des plus grands écrivains serbes


Hum... c'est ça l'entrée du musée ? Je croirais presque que c'est lui qui va m'ouvrir, méfiant, pour savoir ce que je veux.


Chez Ivo Andrić. Un musée qui n'a pas grand intérêt, sauf pour les grands fans de l'auteur amateur de reliques. Peut-être que les documents auraient été plus intéressants aussi si je comprenais le serbe...


Le temps de cuire un autre far (la Bretagne s'infiltre partout), départ pour Velika Plana, la ville d'où vient Daca (et tous les autres Serbes qu'on a rencontré pendant le Balkan Youth Festival).



La grand-mère de Daca, Baba Rado (toutes les grand-pères s'appellent Baba ici aussi), nous attend de pied ferme malgré l'heure et demie de retard de notre train, et à peine arrivées, nous embrasse vigoureusement et nous couve de petits soins. Elle m'adopte comme sa deuxième petite-fille, et j'accepte avec plaisir une telle grand-mère !

Samedi 7 novembre

Ca fait du bien de se réveiller dans une vraie maison ! Le salon est chauffé au bois, que la vieille Baba va elle-même chercher - elle fait à peu près tout dans la maison... et surtout la cuisine, dont j'ai entendu parlé jusqu'à Belgrade !

Voici la table du déjeuner, pour un repas tout à fait ordinaire ! Je n'arrive pas à y croire, le moindre petit gateau est tellement parfait, composé de tas de différentes parties, comme chez un traiteur.


Les "gibanica" (l'équivalent des "banitsa" bulgares), à côté des fruits sur la photo, sont les meilleures que j'ai jamais mangées.

On retrouve Dejan, l'un des participants et des organisateurs du festival, qu'on a rencontré la première fois à la fin du mois de juillet à Sandanski, puis pendant le festival bien sûr et à Sofia ensuite. Un sacré mec, à l'origine d'un festival de rock à Velika Plana, Plana Demo Fest, qui donne un peu de vie à la petite ville. Et toujours l'appareil photo à la main (mais si, rappelez-vous, les "Dejan photos") !
Il nous amène visiter un monastère -de femmes uniquement cette fois. Ce sont des lieux très importants en Bulgarie comme en Serbie, car pendant les siècles d'occupation Ottamane, c'étaient les centres non seulement culturels, mais aussi de résistance.





Avant de rejoindre Dejan un peu plus tard chez lui, on retrouve Nadija, une amie d'enfance de Daca.



Teodora, une petite cousine, et le frère de Nadija semblent très gentimment curieux de mon étrangeté d'étrangère, me montrent pleins de choses, me posent des tas de questions. Notamment une : Téodora me demande, en anglais, si j'ai déjà vu "l'homme noir"... L'homme noir ?! Je m'attends à une histoire de bandits et de super-héros... En fait, elle veut parler simplement d'un homme noir ! Elle n'en a jamais vu (ou une fois ou deux seulement), et elle trouve les Noirs très beau ! Je suis très surprise par sa question, mais je la trouve vraiment adorable !


Dîner de "pleskavica" chez Dejan


Un rocker dans l'âme, ce Dejan


Daca et Nadija


Suite de la soirée à un concert, puis dans un bar de Velika Plana



Dimanche 8 novembre

Dernier matin :-(
Je pensais avoir déjà tout vu en variétés de petits-dèjs, mais pour une fois ma "curiosité gastronomique" connaît des limites : soupe de légumes et poulet ! Daca et sa grand-mère sont très surprises qu'on ne mange pas ça le matin aussi en France.

On se promène dans la petite ville de Velika Plana, où il n'y a pas grand chose à faire. On visite une nouvelle maison abandonnée, protégée par une muraille de ronces et de branches, un endroit que Daca aime beaucoup. Les lieux que les gens aiment en disent parfois long sur eux, j'aime bien les voir.













Ensuite, Daca, Nadija et moi allons dans un magazin original : une dame du village achète des fringues en gros et les revend pas cher à ceux qui connaissent le filon. Mais finalement, notre visite a plus l'air d'un café entre amis que de shopping.



Je suis "invitée" à suivre Nadija pendant que Daca et Nicoleta, la grande soeur de Teodora, vont imprimer des photos qu'elles me donneront plus tard. L'occasion de revoir le frère de Nadija, qui court vers moi avec un grand "tu m'as manqué !". C'est une seconde un peu délicate, l'un de ses moments où les différences de cultures me semblent mises au jour. On s'est rencontré seulement la veille, je pensais qu'on ne se reverrait pas, et même s'il était très gentil, j'ai du mal à dire si facilement à quelqu'un qu'il m'a manqué. D'un autre côté, j'ai l'impression qu'ici, comme au Moyen-Orient, les gens expriment beaucoup plus facilement qu'en Europe de l'Ouest qu'ils aiment les gens, qu'on est amis, qu'on s'est manqué, et je ne voudrais pas blesser le petit garçon avec une réaction qu'il pourrait prendre pour froide. Ce n'est pas non plus un dilemme qui me torture, mais je trouve ça intéressant. Ca me rappelle un jeu qu'on avait fait pendant la formation "on-arrival" à Sandanski, sur le principe de l'arrivée dans un autre monde avec d'autres règles, et qui posait la question de l'adaptation : est-ce qu'il faut s'adapter complètement, se fondre, ou garder un peu de sa culture et de ses propres règles ? Dans ce cas, j'aurais trouvé assez hypocrite et inhabituel de lui répondre sur le même ton qu'il m'avait aussi manqué. Mais c'est tout personnel et peut-être que d'autres auraient fait autrement. Je me demande si cette différence de chaleur tient au fait qu'on ose moins exprimer nos sentiments en France (ou plus généralement au Nord et à l'Ouest de l'Europe) ou qu'on ressent moins fort, qu'on est blasé ? Ou que ces mots, comme "tu m'as manqué", s'utilisent plus rarement parce qu'on leur attribue plus de force ? Je serais très intéressée par vos réponses si vous avez des idées !



Nadija m'explique pourquoi il y a des couronnes de fleurs séchées partout sur les portails. Un certain jour au printemps, tout le monde va cueillir un bouquet de fleurs, certaines étant obligatoires, d'autres au choix, et tresse le bouquet qu'il accroche en couronne devant sa maison pour la protéger. Alors les rues embaument et sont pleines de couleurs !
La frontière entre religion, tradition et superstition est bien fine parfois. Dejan, au monastère, m'a offert un pendentif de saint censé protéger du mauvais sort, un gri-gri porte-bonheur en fait. La religion est assez présente sous forme de semi-croyances, sur le principe de "on n'est pas sûr que ça marche, mais au cas où, mieux vaut quand même respecter les rites"...
Chaque famille a son propre saint, qui se transmet de génération en génération. Le jour de sa fête est l'occasion d'une grande célébration et d'un repas auquel sont invités voisins et amis. Par exemple, pour la famille de Daca, c'est St Nicolas. Le calendrier des fêtes ne correspond pas au nôtre, car les Orthodoxes suivent le calendrier grégorien. C'est pourquoi les Serbes sont très fiers d'avoir deux jours de l'an à fêter, un le 31 décembre et l'autre le 13 janvier : une excuse de plus pour faire la fête ! :-)


Nadija est une pro des ongles - elle s'essaie sur moi et je ne les reconnais plus !

Il paraît dans les Balkans que les Serbes sont le peuple qui jure le plus au monde... et je crois que c'est vrai, à en croire ce que Daca traduit de sa grand-mère ! Je n'ose pas le croire, en voyant sa petite bouille si mignonne de petite vieille ! Et pourtant. Juste un exemple parmi cent : en marchant vers la gare, elle dit à Daca que si elle ne prend pas son sac correctement, elle aura à porter de la merde dedans ! Le tout avec énormément d'affection, et alors que Daca et moi sommes pliées en deux de rire ! Nos insultes à côté des leurs ont l'air de mots doux...

Le train de Daca pour Belgrade part quelques heures avant le mien pour Sofia. La communication avec le père et la grand-mère de Daca n'est pas évidente sans sa traduction, mais on se débrouille. La prochaine fois, me dit la Baba, tu ne viens pas une semaine ici, mais deux, l'été prochain !


Довиђења Serbie, retour en Bulgarie



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